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Prescription d'une expertise médicale

Date jugement : 
Lundi 05 novembre 2018

Mme Mariller Juge des référés​
La présidente du tribunal,

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 14 mars 2018, M. O. D., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de son fils mineur A.M. D., représenté par Me Yamba de la SELARL Cabinet Yamba, demande au juge des référés, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, de prescrire une expertise médicale relative à la prise en charge d'A.M. dès sa naissance, au motif qu'A.M. est né dans un contexte de retard de développement et de détresse respiratoire.

Il soutient que :

- A.M. est né le 8 avril 2010 au centre hospitalier régional universitaire de Tours ;

- dès sa naissance, il a été hospitalisé pour un retard de développement et pour détresse respiratoire ;

- à la suite d'examens, il a été mis en évidence un hydramnios modéré inexpliqué associé à une ectasie de l'artère ombilicale ;

- il veut comprendre les circonstances de la prise en charge de la fin de grossesse de la maman et du suivi de l'enfant après la naissance, afin de faire la lumière sur les responsabilités de chacun ;

- une expertise judiciaire est donc utile.

Par un mémoire, enregistré le 20 mars 2018, la caisse primaire d'assurance maladie de Loir-et-Cher, pour le compte de la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre-et-Loire, ne s'oppose pas à la mesure d'expertise sollicitée mais interviendra ultérieurement dans la procédure lorsque l'affaire reviendra au fond. Elle précise que la victime a été prise en charge au titre du risque maladie mais qu'elle n'est pas en mesure de chiffrer sa créance définitive actuellement.

Par un mémoire, enregistré le 5 avril 2018, le centre hospitalier régional universitaire de Tours, représenté par Me Dérec de la SELARL Dérec, ne s'oppose pas à la mesure d'expertise sollicitée mais formule toutes protestations et réserves d'usage. Il demande, en outre, que la mission qui sera confiée à l'expert soit précisée et complétée, qu'un pré-rapport soit adressé aux parties pour faire valoir d'éventuels dires et que soient rejetées toutes les conclusions plus amples ou contraires du requérant.

Vu :

- la décision en date du 16 juin 2017 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle d'Orléans a admis M. O. D. au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

- les autres pièces du dossier ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Sur la demande d'expertise :

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : «Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction.» ;

2. Considérant que M. O. D. sollicite une mesure d'expertise médicale relative aux soins qui ont été prodigués à son fils A.M. D. par le centre hospitalier régional universitaire de Tours où il est né le 8 avril 2010 par césarienne pour pré-éclampsie maternelle, après une grossesse de sa mère marquée par un hydramnios et une ectasie de l'artère ombilicale, au motif que l'enfant a connu une détresse respiratoire le lendemain de sa naissance, avant de présenter divers troubles tels que hypotonie, syndrome pyramidal précoce et autres, puis un retard de développement et des anomalies morphologiques ;

3. Considérant que les mesures d'expertise demandées par M. D. sont utiles et entrent dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article R. 532-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu d'y faire droit et de fixer la mission de l'expert comme il est précisé à l'article 1°' de la présente ordonnance ;

Sur le dépôt d'un pré-rapport :

4. Considérant qu'aucune disposition du code de justice administrative ni aucun principe général du droit ne fait obligation à l'expert d'établir un pré-rapport; que l'expert, dans la conduite des opérations de l'expertise qui lui est confiée et dont il définit librement les modalités pratiques, de concert avec les parties, ne saurait se voir soumis à d'autres obligations que celles issues du principe du contradictoire; que l'établissement d'un pré-rapport adressé aux parties en vue de recueillir leurs éventuelles observations ne constitue donc qu'une modalité opérationnelle de l'expertise dont il appartient à l'expert d'apprécier la nécessité d'y recourir; qu'il suit de là que les conclusions du centre hospitalier régional universitaire de Tours tendant à ce que l'expert communique un pré-rapport aux parties afin qu'elles puissent y répondre sous forme de dires ne peuvent qu'être rejetées.

ORDONNE

Article 1er : Le docteur Gilbert Belaisch, pédiatre, domicilié 21 avenue de Paris à Vincennes (94300), est désigné pour procéder à une expertise médicale à l'effet :

- de procéder à l'examen du jeune A.M. D. ; de se faire communiquer et de prendre connaissance de son entier dossier médical et infirmier et de tous documents utiles d'entendre toute personne susceptible de l'éclairer dans le déroulement de sa mission ;

- de décrire le suivi médical de la grossesse de sa mère ;

- de relater les conditions dans lesquelles sa maman a été prise en charge au centre hospitalier régional universitaire de Tours, la surveillance dont elle a fait l'objet, la chronologie des soins, examens et traitements pratiqués antérieurement et lors de l'accouchement ;

- de décrire les complications dont A. M. a été l'objet à sa naissance, l'évaluation de celles-ci et la nature des soins et traitements qui lui ont été dispensés ensuite ;

- de rechercher l'origine des complications ; de dire si l'accouchement, les soins et traitements qui l'ont précédé et suivi ont été réalisés dans des conditions conformes aux données les plus récentes de l'art médical et à la déontologie à l'époque des faits ou si des fautes, erreurs, imprudences ou négligences peuvent être relevées dans la conduite de ceux-ci ;

- de dire si les soins reçus sont à l'origine d'une perte de chance d'avoir évité les séquelles advenues et chiffrer cette perte de chance ;

- de décrire l'état de santé actuel d'A.M. et les séquelles dont il demeure atteint depuis sa naissance du 8 avril 2010 ; de donner son avis sur leur imputabilité aux circonstances de sa naissance ; de dire si un diagnostic prénatal aurait pu permettre de déceler les complications survenues ;

- de fixer la date de consolidation de l'état de l'intéressé, la durée de son incapacité temporaire totale et l'amplitude de son incapacité permanente partielle ; de se prononcer sur l'atteinte permanente à une ou plusieurs fonctions imputables à sa naissance ;

- de dire si l'état de la victime est susceptible d'aggravation ou d'amélioration ; dans l'affirmative, de fournir au tribunal toutes précisions utiles sur cette évolution et les soins et traitements qui seront nécessaires ; de se prononcer sur les possibilités d'évolution des lésions du jeune A.M. ; dans le cas où un nouvel examen devrait être prescrit, d'indiquer le délai dans lequel il devra, y être procédé ;

- d'apprécier l'existence et de quantifier l'importance des souffrances physiques et psychiques endurées, du préjudice esthétique et d'agrément, des répercussions sur les conditions d'existence de la victime ; d'indiquer les difficultés particulières éprouvées par l'intéressé et d'indiquer la nécessité du recours à une tierce personne ;

- d'une manière générale, d'évaluer l'ensemble des chefs de préjudices subis par M. O. D. et par le jeune A.M., tant de nature patrimoniale que les préjudices personnels, résultant des séquelles en relation exclusive avec les soins reçus au sein de l'établissement de santé fréquenté, à l'exclusion des séquelles résultant d'un état antérieur pathologique ainsi que de l'évolution et des conséquences prévisibles de celui-ci ou de toute autre cause ;

- de fournir au tribunal tous éléments de nature à permettre de se prononcer sur les responsabilités éventuellement encourues.

Article 2 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues aux articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il ne pourra recourir à un sapiteur sans l'autorisation préalable du président du tribunal administratif.

Article 3 : Préalablement à toute opération, l'expert prêtera serment dans les formes prévues à l'article R. 621-3 du code de justice administrative.

Article 4 : L'expertise aura lieu en présence :

- de M. O. D., accompagné de son fils A.M.,

- d'un représentant du centre hospitalier régional universitaire de Tours,

- d'un représentant de la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre-et-Loire.

Article 5 : L'expert avertira les parties conformément aux dispositions de l'article R. 621-7 du code de justice administrative.

Article 6 : L'expert, qui communiquera aux parties un pré-rapport, s'il l'estime utile, avec un délai leur permettant de faire valoir leurs dires avant d'analyser leurs observations dans son rapport définitif, déposera le rapport définitif au greffe en deux exemplaires avant le 28 février 2019. Des copies seront notifiées par l'expert aux parties intéressées. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique. L'expert justifiera auprès du tribunal de la date de réception de son rapport par les parties.

Article 7 : Les frais et honoraires de l'expertise seront mis à la charge de la ou des parties désignées dans l'ordonnance par laquelle le président du tribunal liquidera et taxera ces frais et honoraires.

Article 8 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 9 : La présente ordonnance sera notifiée à M. O. D., au centre hospitalier régional universitaire de Tours, à la caisse primaire d'assurance maladie d'Indre-et-Loire et à l'expert.

Copies, pour information, en seront adressées à Me Yamba de la SELARL Cabinet Yamba et à Me Dérec de la SELARL Dérec.

Fait à Orléans, le 5 novembre 2018.

La présidente,​
Cécile MARILLER

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

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